Un petit pain pour l'humanité, un grand pain pour nous
Le
Nous avons craqué ; la pression sociale nous a eu, la mode a eu raison de nous, et nous avons commis l'irréparable : nous nous sommes offert une machine à pain.
Ah, lecteur, je te vois déjà arborer un sourire sardonique : qu'il y a-t'il de plus "bobo" (outre d'utiliser l'expression "bobo") que de vouloir faire son pain soi-même ?
Mais nous plaidons coupable, mais pas responsable ! Nous n'avons pas trouvé boulangerie à notre palais dans notre jolie bourgade qui offre pourtant d'excellents commerces, et nos tentatives d'investissement dans la baguette locale se sont toujours soldées par une certaine déception, augmentées par la courte vie du dit investissement.
Alors, comment résister à ces machines qui non seulement vous promettent mais en plus vous offrent pour de vrai un joli pain tout doré qui n'a pas pas besoin d'être consommé dans l'heure, qui vous titillent les narines en cours de cuisson, et qui, qui plus est, ne demandent que quelques courtes minutes de votre attention pour accomplir leurs tâches de plusieurs heures ?
Oui, ce premier pain n'est qu'un pain de plus sur cette grande planète, mais c'est notre pain, et même s'il n'aura guère le temps d'être fier de l'être, nous resterons fiers de lui !
Nous seuls nous rappellerons des difficultés de sa conception, durant laquelle, maîtres boulanges un peu naïfs, nous avions omis de mettre en place le bras du mélangeur, et qui ne put réellement prendre place qu'une fois que celui-ci ait rejoint le fond du pétrin, sous la farine surnageant fièrement l'eau de cette étrange alchimie, quelques quatre-vingt dix minutes après que le moteur du dit pétrin ait commencé à tourner dans le vide.
Nous seuls nous rappellerons notre première bruschette garnie d'espadon fumé et surmontée de roquette toute fraîche.
Nous seuls le mangerons. Et tant pis pour les autres.