On Intelligence de Jeff Hawkins

Le

Couverture de 'On Intelligence'

J'ai fini il y a quelques semaines la lecture de On Intelligence de Jeff Hawkins, dans lequel celui développe une théorie passionnante du cerveau, et plus particulièrement, détaillant le mécanisme suivant lequel le néo-cortex fait naître l'intelligence.

Pour résumer en quelques mots la dite théorie, le néo-cortex serait essentiellement un organe d'identification de motifs : chaque zone de neurones réagirait de manière particulière à une un motif donné ; ces réactions seraient liées hiérarchiquement, de sorte que les régions en contact direct avec les sens identifieraient des motifs de base, les régions "au-dessus", des motifs de motifs, et ainsi de suite. Cette succession de motifs permettraient l'établissement d'un certain nombres d'invariants, qui eux-même constitueraient notre représentation interne du monde, base de notre intelligence en ce qu'elle nous permet de faire des prédictions (de plus ou moins grande ampleur) sur le monde. Parallèlement, l'auteur met en exergue que nos aptitudes motrices sont elles-aussi le résultat d'un apprentissage de motifs de mouvements, que nous assemblons hiérarchiquement lorsque nous développons de nouvelles capacités motrices.

Il insiste aussi fortement sur la mis-caractérisation de l'intelligence comme étant une capacité à obtenir des résultats (des preuves d'intelligence) qui serait, selon lui, à l'origine des limites de l'intelligence artificielle telle qu'elle fut développée au cours des années 1980. Selon l'auteur, l'intelligence est avant tout une capacité de mémorisation évoluée et complexe.

La théorie proposée et les perspectives de machines intelligences qu'elle offre sont tout à fait fascinantes, et le style de l'auteur rend le sujet relativement facile d'accès, le tout faisant de ce livre l'un des meilleurs essais scientifiques que j'ai lus.

Elle soulève quelques questions sur notre rapport au monde et à la réalité:

  • Einstein s'étonnait de ce que l'univers soit intelligible: L'éternel mystère du monde est son intelligibilité ; mais finalement, un univers non intelligible serait un univers dans lequel aucun motif ne serait détectable, et dans lequel finalement, on peut estimer que l'intelligence (voire la vie) ne pourrait se développer. Autrement dit, l'intelligibilité de l'univers et l'existence d'une intelligence dans l'Univers sont intimement liés, au moins en ce que le second ne peut exister sans le premier
  • si le cerveau s'organise autour d'une hiérarchie de motifs pour former autant de niveaux d'invariance, est-ce que la conscience elle-même n'est pas l'invariant au sommet de cette hiérarchie ? Une des caractéristiques principales de la conscience est sa continuité temporelle - on reste conscient d'être soi, même si l'on change d'avis, d'environnement ou même de visage : un invariant qui englobe les motifs qui constituent le soi.
  • si le cerveau fonctionne sur un modèle de prédictions fondées sur les expériences du passé, cela implique un modèle extrêmement conservateur de l'être humain dans son rapport au monde ; le progressisme ne serait alors qu'une forme particulière de conservatisme à grande échelle. Autrement dit, on a rien inventé...

(Le livre est complété par un site web permettant de suivre les évolutions de la dite théorie et ses confrontations à l'expérience).